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Portait [3] Montserrat Puig

Portrait de Mme PUIG

Les questions étaient sur la table, avec l’enregistreur, le papier et le crayon. Mais ce n’est pas toute la préparation qui a conduit l'interview, c’est bien cette femme pleine d'assurance, qui a tout dirigé.

Mme Puig Montserrat est notre seconde personnalité romeufontaine interrogée.

Femme d'esprit à la plume irréprochable et au caractère marqué, Mme PUIG a raconté son histoire, entre souvenirs, photographies et lettres datant d’avant-guerre.

Ce témoignage d'un Font-Romeu et d'une Cerdagne au passé, a nécessité plusieurs rencontres. Comment synthétiser toute une vie ? Nous avons donc essayé toutes les deux, de choisir quelques morceaux, livrés avec l'accent catalan de nos montagnes et surtout beaucoup de nostalgie. Antoine, son fils, a également apporté sa touche de souvenir...

Mme Puig, pourriez-vous vous présenter pour commencer ?

 

«  Ben écoutez, je crois que c’est pas nécessaire parce que j’ai tenu la droguerie pendant X années et que j’étais la femme de Puig Jean »

 

           Jean PUIG

 

Mais pour les gens comme moi, qui arrivons d’ailleurs ?

 

« Vous ne le connaissez pas ? Jean qui, orphelin de guerre, pupille de la nation ? Moi, j’étais la fille d’un réfugié espagnol. Je suis venue travailler à Font-Romeu, mais on se connaissait d’avant, et puis on s’est marié ».

 

En quelle année êtes-vous venue travailler à Font-Romeu ?

 

« en 51. »

 

Vous l’avez rencontré à ce moment-là donc ?

 

« Non. Je l’avais rencontré déjà à Saillagouse. On s’y est mariés le 4 octobre 1952, j’habitais en bas aussi. Ma mère y avait une maison à Saillagouse, vendue après sa mort en 89.  Cette maison, c’était parce que la sœur de ma mère était mariée à un garçon qui était d’origine française, Pierre Dosta, qui avait hérité de sa tante Mme Eugénie Dosta et il avait hérité de cette maison. C’est comme cela que nous avons eu les clés à notre arrivée en France, le 10 février 1939.»

 

Quand est-ce que votre mari a-t-il ouvert la droguerie ?

 

« En 1964. Mais avant il était artisan peintre depuis 1937. Il était pompier à Font-Romeu, au premier corps ! Il a échappé au service obligatoire (STO) parce qu’il était orphelin de guerre, pupille de la nation, adopté par la nation, j’en possède encore les actes. » Mme Puig me sort les documents.

« J’ai conservé tous les papiers, j’ai des papiers pour 3 vies, un jour je vous les ferais voir, parce que ça vaut la peine. Ça montre la vie d’un village. Parce qu’un de ces grands pères, je crois, il travaillait ici au village, il était fournier. Vous savez ce que c’est un fournier ?»

 

Je suppose que c’était quelqu’un qui travaillait au four ?

 

« Voilà, oui. Autrefois les gens dans les villages, c’était presque tout le monde, c’était des paysans, ils avaient du blé, ils se faisaient le pain. Et bien ce grand-père, il avait un four, il cuisait les pains, fournier, c’était son métier. J’ai trouvé les papiers, je ne sais pas où c’est, peut-être dans le placard là...  Il faut que je le sorte. »

 

Vous êtes née quand Mme Puig ?

 

« Le 7 octobre 1928, vous voyez que ça fait quelques jours, à la Seu d’Urgell.

 

Vous êtes née dans la maison de famille ?

 

« Oui, à la Seu d'Urgell. Ma grand-mère, la maman de mon papa, a été la première sage-femme diplômée qu’il y a eu à la Seu d’Urgell. Et alors la pauvrette elle est morte, en rentrant d’un accouchement qui avait duré. Et le diabète on ne connaissait pas. Elle  a fait un coma diabétique, elle est morte, à 62 ans. « 

Moi je ne l’ai pas connu, mais j’ai connu mon grand-père, on l’appelait Domingo, Dominique en français. Et ma belle-sœur et mon frère (Baldo) quand il ont eu leur fils, le premier, ils ont cherché partout quel nom ils lui mettraient, ils ont dit « et bien on lui mettra Dominique » et c’était le prénom du grand père, et seulement en espagnol et en catalan c’était Domingo. »

 

Antoine : « Dominique maintenant c’est le chef de la police de Strasbourg, il a quel âge ?

 

Monsté : il a 56 ans je crois maintenant, il a eu la légion d’honneur fin 2021 « 

 

Vous avez des enfants, petits-enfants arrières-petits enfants ?

 

Mon fils Antoine, a deux fils et deux petits -fils. Son aîné Jean, il a deux petites filles, il est docteur en physique chimie, professeur à Canet en Roussillon, il habite ici. Le second il est ingénieur en électronique à Toulouse. Ma fille Rose-Marie vit sur Perpignan et a une fille, Corinne qui habite elle, à Odeillo. C’est elle qui s‘occupe du bureau de Saillagouse, pour les livraisons de carburants.

 

 

Pour en revenir à la droguerie, pouvez-vous m’en dire un peu plus ?

 

Jean l’a ouverte en 63 à Odeillo, « en bas »et ensuite Antoine en juillet 89 a  ouvert une autre droguerie avec son épouse sur  Font-Romeu. Antoine a travaillé avec nous depuis qu’il a eu ses 15 ans et après sa sortie du centre d’apprentissage.

 

Jusqu’en quelle année avez-vous travaillé à la droguerie ?

 

Je faisais un peu de tout, avec ma belle-fille Brigitte, épouse d'Antoine, jusqu’à la fermeture.

 

Pouvez-vous me parler d’un fait marquant sur Font-Romeu, ou dans votre vie :

 

La perte de mon mari à cause de la maladie, je n’avais pas 50 ans, cela fait 43 ans depuis le 30 août. A l’époque, on ne savait pas aussi bien soigner les maladies.

 

Vous aviez envie d’aborder une part importante de votre vie, lorsque vous faisiez du théâtre et que vous chantiez. A quel âge avez-vous commencé à chanter ?

 

En 39, j’avais 11 ans, parce que j’étais au collège chez les religieuses à Puigcerda. C’était le premier noël après-guerre. On avait une tradition : "El Pastorets" et on l’a fait au théâtre du collège, et je ne l’ai jamais oublié.  [Mme Puig entonne la chanson en catalan, sur un ton parfait…et sa voix porteuse d’une histoire unique], c’était ma première chanson. Ensuite j’ai fait partie d’une troupe de théâtre, jusqu’en 41 et je chantais aussi, dans certains spectacles, ça dépendait.

 

Et après, lorsque je suis venue à Saillagouse le 14 juillet 1941, il y avait des prisonniers de guerre, et alors on avait la possibilité de leur envoyer des dons. On faisait donc des colis, mais pour faire ces colis, il fallait de l’argent, alors on faisait des galas. Et vous savez qui organisait tout ça ?

 

Non.

 

C’était Antoine Cayrol qui est devenu ensuite le poète et écrivain Jordi Pere Cerdà. C'était également un grand résistant.

 

Mme Puig me montre ensuite des photos d’une tombe.

 

C’était celle du Docteur Joan Serra Vilaro, archéologue de renommée, c’est à Tarragone, c’est le cousin de ma mère. C'est lui qui a créé le musée de Tarragone.

 

Que faisait votre père ?

 

Il était commerçant. Il faisait des chaussures sur mesure. Il y avait une pièce dédiée avec toutes les formes de pied en bois. C'était surtout pour les 4 garnisons militaires qu'il y avait à la Seu qui étaient ses clients habitués. Mais il allait aussi travailler jusqu'à Andorre !

 

En 1927, ils sont montés avec son garagiste à Paris, et ils ont acheté une des premières voitures de la Seu d’Urgell.

 

 

Montserrat, vous avez envoyé un courrier au gouvernement de la Generalitat, il y a longtemps, sur les enfants de la Catalogne, en citant le sacrifice de l’exil de leur parent. Vous y demandiez le respect pour ceux qui sont mort à l’exil.

 

 

Le président de la Generalitat m’a répondu que justement, ils ont le plus grand respect pour ses familles. J’ai aussi écrit au maire, à l’époque. Regardez, j’ai aussi écrit au Président de la République !

 

 

Montserrat, j’aimerai que vous me parliez de cette anecdote concernant les sucettes Chupa Chups.

 

Et oui, c’est le mari de ma cousine, Nuria Serra Vilaro, qui a créé l’entreprise. Ils avaient une pâtisserie sur la place Tétouan à Barcelone. J’y allais lorsque j’étais petite. Ma petite sœur avait séjourné chez eux parce qu’elle s’était faite opérer à Barcelone.

 

Il a créé ça en 1958, c’est lui qui a inventé la sucette !

 

Mme Puig, saviez-vous que c’était Salvador Dali qui avait dessiné le fameux logo à la fin des années 60 ?

 

Oui je le savais ! Salvador Dali était un ami de la famille Serra et de son mari l'Enric.

 

Nous n'avons pas parlé de Font-Romeu, qu'aimeriez-vous en dire ?

 

Je me souviens d’une certaine époque "florissante" de Font-Romeu.

Où il existait une fanfare qui avait à sa tête le Père Lambert et qui s'occupait également de l'école de musique. Puis il y avait les Soubeyrand, le Pierre Soler, Delmas et quelques autres qui organisaient toutes les fêtes sardarnistes et sportives. C'était une belle époque...

 

Voici quelques lignes "d'état d'esprit" que nous livre Montserrat.

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